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Billet d’humeur : “DEUX DOSES DE RÉALISME, UNE DOSE D’OPTIMISME”

19 juillet 2024

Entre dettes publiques considérables, démographie en panne et défi climatique et environnemental, les perspectives de nos sociétés occidentales ne suscitent pas toujours l’enthousiasme. Les marchés financiers sont pourtant loin d’être déprimés. Notre analyse en quelques mots.

Nous vivons une époque troublante où l’agenda politique et les considérations géopolitiques viennent ajouter à l’agitation économique et aux incertitudes financières. Nos économies et nos sociétés occidentales se remettent à grand-peine des chocs du Covid puis de l’inflation avec des potions contradictoires à base de taux d’intérêts élevés, de relances budgétaires considérables et d’endettement public presque hors de contrôle. Le Monde se dissocie autour de deux blocs idéologiques mais aussi économiques et technologiques, centrés l’un sur des Etats-Unis et l’autre sur la Chine. Et pour ne rien arranger, le calendrier politique vient ajouter des désagréments. Le premier annoncé de longue date est le possible retour de Donald Trump au pouvoir. Le second inattendu est celui du blocage politique français et d’une France difficilement gouvernable, au moment où la discipline budgétaire était espérée, au point d’inquiéter ses partenaires européens.

 

  • Une situation économique troublée

Mais tout cela n’empêche pas les indices boursiers occidentaux de galoper. Pour être exact, toutes les valeurs ne sont pas logées à même enseigne. Ce sont principalement quelques grandes valeurs de croissance qui font progresser les indices depuis plus de dix ans, valeurs portées par quelques méga tendances comme le cloud, les réseaux sociaux, la digitalisation, le besoin de reconnaissance sociale à travers certaines marques de luxe et depuis peu l’intelligence artificielle, les traitements anti obésité ou encore l’électrification verte…au point que ces valeurs accaparent une part de plus en plus grande de la valeur ajoutée créée par nos économies et font la colonne vertébrale de la croissance de nos pays souffreteux. Nos économies sont ainsi plus que jamais à deux vitesses.

 

  • L’envolée des valeurs de “mégatendance”

Ces entreprises s’appellent Microsoft, Apple, Nvidia, Alphabet (Google), Meta (Facebook), Amazon, Tesla aux Etats-Unis et ASML, LVMH, Hermès, Novo Nordisk en Europe. Les bénéfices de ces entreprises galopent et leur valeur boursière encore plus.

Les sept premières capitalisations boursières américaines représentent désormais 32% de la valeur du S&P500, l’indice des 500 premières entreprises américaines cotées en bourse. Il y a dix ans, ces mêmes sept valeurs ne représentaient que 8% du même indice. En dix ans, leurs ventes ont augmenté de 400%, leurs bénéfices de 600% et leur valeur boursière totale de 1400%. Le phénomène d’amplification boursière est donc éclatant. Non seulement l’activité de ces entreprises a progressé bien plus vite que nos économies mais leur valeur boursière a cru encore plus vite. Ce phénomène boursier est l’expansion des multiples. Ces sociétés valaient en bourse, il y a dix ans, un multiple de 18 fois leurs bénéfices réalisés. Elles valent maintenant 36 fois les bénéfices attendus pour 2024, les investisseurs étant disposés à payer toujours plus chers des entreprises au profil de croissance élevé et durable. Mais est-il aussi durable qu’ils l’espèrent ? L’histoire nous montre que non.

L’histoire économique des cent cinquante dernières années a été traversée par des méga tendances transformatrices autour desquelles se sont concentrées la croissance économique, la création de valeur ajoutée et la génération de bénéfices ainsi que la dominance boursière du moment par l’entreprise leader de la transformation. Citons la sidérurgie et US Steel, les centrales électriques et General Electric, l’automobile et General Motors, le pétrole et Exxon, l’informatique et IBM. Chaque activité transformatrice a fini par se normaliser au point de ne plus croitre et ne plus accaparer valeur ajoutée et valorisation financière et par être supplantée par une autre. Tout au plus, certaines se sont transformées ou partiellement réinventées pour tenter de rester dans la course aux profits. Ce que l’histoire nous enseigne donc c’est que la dominance économique et financière par certaines entreprises du moment n’est pas éternelle et que leur croissance n’est pas infinie.

 

  • Bulle spéculative et valeurs décotées

L’observation de l’histoire financière nous offre aussi un autre enseignement. Périodiquement, les investisseurs s’emballent et assignent à ces activités transformatrices des perspectives infinies et des valorisations bien excessives. Les exemples les plus parlants sont l’envolée boursière de 1924 à 1929 sur l’industrialisation et celle de la fin des années 90 sur l’Internet et les Telecom. La sanction boursière pour les entreprises surestimées a été foudroyante. Souvenons nous du krach de 1929. Mais le désastre boursier de 2001 et 2002 n’avait été que partiel car au même moment, les belles entreprises sous-évaluées de secteurs moins porteurs avaient été redécouvertes par les investisseurs. La situation est peu ou prou la même aujourd’hui. La bulle de valorisation des entreprises en méga tendance est en cours. Elle l’était déjà il y trois ans mais elle avait été interrompue par la normalisation haussière des taux d’intérêt. Il y a fort à parier que cette fois elle ira à son terme car l’histoire est têtue : toute bulle boursière gonfle jusqu’à l’explosion.

Plusieurs opportunités s’offrent ainsi aux investisseurs. Une première de court terme consiste à accompagner le gonflement ultime de la bulle et à capter la hausse finale sur les valeurs de méga tendance. La seconde est de se préparer au retour en grâce des valeurs décotées de qualité mais à croissance modeste. Prenons le risque d’en nommer quelques-unes : Saint Gobain, Alstom, Stellantis, Publicis.

 

  • Le retour du placement obligataire

Une dernière opportunité pour les plus prudents est de s’intéresser aux marchés obligataires. Car le retour temporaire de l’inflation, désormais sous contrôle, a obligé les banques centrales à cesser les politiques dites de « quantitative easing » c’est-à-dire de manipulation du marché obligataire. Les rendements obligataires sont désormais attrayants et il est possible de trouver aujourd’hui des obligations de qualité convenable avec des rendements annuels de 5% alors que ces taux étaient totalement hors d’atteinte il y a seulement deux ou trois ans.

 

Reste la question de la création de richesses et donc de la trajectoire à moyen terme de nos économies. Sous l’effet d’une démographie défavorable et d’un taux d’investissement insuffisant, nos économies développées se dirigent inexorablement vers un tassement de population active et une faible amélioration de la productivité ce qui augure d’un faible taux de croissance pour les décennies futures. Et les défis seront nombreux : rééquilibrage de la richesse et des revenus avec des politiques fiscales plus adaptées, solvabilité des états avec le soutien impératif des banques centrales, transition vers la durabilité environnementale…et pourquoi pas changement vertueux des comportements. On voit distinctement et heureusement se renouveler les pratiques managériales et les intentions sociétales et environnementales dans les nouvelles générations d’entrepreneurs. Pour entreprendre, il ne suffit pas d’être réaliste, il faut aussi être optimiste.



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